Cet article a été rédigé par l’équipe de David Laroche

réduire la charge mentale
Photo : diana.grytsku

Souvent associé à la condition féminine, le terme de charge mentale fut créé en 1984 par Monique Haicault(1)

Dans ses travaux, cette sociologue met en lumière l’existence ainsi que l’importance du travail d’organisation et de planification qui précède et prévaut sur l’exécution proprement dite des tâches domestiques. 

Pour faire plus simple, la charge mentale consiste à penser, retenir et planifier toutes les tâches du quotidien en permanence.

Selon les résultats d’une étude(2) menée par Ipsos sur la charge mentale, 13% des Français considèrent la charge mentale comme la coexistence entre vie personnelle et vie professionnelle. Pour 24%, c’est le fait de mener une double journée chaque jour. La majorité restante (41%) attribue la charge mentale à la planification constante, l’organisation ainsi que la gestion des tâches parentales et domestiques. Indépendamment de tous ces avis, 77% des femmes affirment penser simultanément et en quasi-permanence à plusieurs choses en même temps. 

Un autre sondage(3) Ifop en partenariat avec Consolab vient corroborer cette inégalité. En effet, 75% des Européennes affirment clairement en faire beaucoup plus que leur époux en ce qui concerne les travaux domestiques, 21% disent bénéficier d’une certaine égalité de répartition des tâches domestiques, et seulement la petite minorité restante (4%) dit en faire moins que leur conjoint. 

Des études et sondages qui reflètent que la majorité des femmes doivent jongler tous les jours entre vie privée et vie professionnelle. 

Mais concrètement, c’est quoi la charge mentale ?

c'est quoi la charge mentale ?
Photo : Ketut Subiyanto

Bérénice est une jeune technicienne de laboratoire dans la trentaine. Paramétré avec une grande précision, son quotidien commence à 6H avec la préparation du petit-déj, du goûter et des cartables de ses deux petits anges. 

Un bruit aussi strident que malheureusement inutile retentit pour la 4ème fois dans la maison. Pourtant, Arthur et Théo restent impassibles face au retentissement répétitif de l’alarme de leur réveil. Encore plongés dans la douceur de leurs songes, ils attendent inexorablement la tendresse d’une maman pour émerger de leur nuit. Au fur à mesure que les minutes défilent, les garçons se réveillent, enfin !

Le temps s’écoule, mais Théo ne retrouve pas ses stylos et Arthur peine à choisir le T-shirt qui mettra sa coolitude en valeur. Malgré tout, la petite famille poursuit sa course contre la fermeture imminente de la porte de l’école.

Une fois cette première épopée réussie, notre personnage principal poursuit son parcours vers sa journée de travail. Entre deux dossiers, la jeune maman réfléchit à ce qu’elle doit cuisiner le soir, l’emploi du temps de ses enfants, les courses à faire, à quel moment inscrire Théo à son cours de natation, qui passera les chercher si elle-même ne finit pas sa charge de travail professionnel, etc. Distraite par ses obligations familiales, Bérénice moins productive passe plus de temps au boulot pour rattraper le retard qui s’accumule. 

Enfin chez elle, elle se rend compte qu’elle a oublié de faire les courses. Elle y retourne donc, puis rentre à nouveau à la maison épuisée. Ses deux mini-monstres affamés l’appellent aux fourneaux. Elle s’y met donc. Quelques minutes plus tard, tout le monde dîne. Bérénice débarrasse la table, fait la vaisselle et se douche. Elle remarque que la salle de bain nécessite un coup de serpillère et accomplit cette dernière tâche.

Cette routine laisse s’immiscer dans la vie de Bérénice une certaine fatigue constante qui s’accompagne et se lie à une charge mentale et un stress pesant.

Une fatigue qui ne touche pas vraiment Alfred, le compagnon de Bérénice.

Pourtant, lui aussi, en plus de son travail participe aux tâches ménagères. À la différence que les tâches qui lui sont attribuées sont par nature souvent moins urgentes et nécessitent donc une planification moins précise. Et petit plus, certaines d’entre elles à l’instar du jardinage, du bricolage ou encore occuper les enfants en jouant avec eux s’apparentent plus à un loisir. 

Alfred comme 59% des hommes ne comprend pas vraiment l’intérêt de tout planifier. Il a cependant conscience que sa compagne, bien plus active que lui, nécessite un peu d’aide. Ainsi, comme 87% de la gent masculine, il souhaiterait s’impliquer plus pour sa compagne. Mais comme 69% des hommes interrogés par l’Ifop, il ne souhaite pas que ça change. Drôle de paradoxe ! 

À cela s’ajoute une autre injustice, plus naturelle.

Ce phénomène bien connu des psychologues fut popularisé par le livre Laugh Your Way to a Better Marriage de Mark Gungor ainsi que dans son séminaire Tale of Two Brains.

Les hommes ont une tendance naturelle à pouvoir se concentrer sur une tâche précise ou même sur rien du tout. Juste faire le vide dans leur tête et rester des heures à pêcher, regarder la télé, regarder un paysage…

À l’inverse, le fonctionnement du cerveau féminin tend à toujours tout connecté ensemble en permanence. Ce qui explique que lorsque Bérénice travaille, elle se connecte avec les enfants, les tâches ménagères et toutes les autres tâches. Pire, rester à ne rien faire, sans penser à rien est une activité difficile, voire agaçante.

les hommes et la charge mentale
Photo : cottonbro

Ainsi, la charge mentale a une grande affinité avec vous, mesdames, sociologiquement (liée à une éducation genrée fortement présente dans les pays latins) et naturellement, car liée à l’activité neurologique féminine.

Mais cette prédisposition n’est pas forcément une fatalité et vous pouvez, minimiser la charge mentale qui pèse sur vos épaules.

Voici donc les quelques clés qui vous permettront de dominer votre charge mentale, pour ensuite doper votre productivité.

Commencer par accepter qu’il y a bien un problème

Jusqu’ici, la charge mentale a été généralisée, comme si toutes les femmes en souffraient et qu’elles étaient toutes incapables de gérer la masse de travail qui s’imposait à elles. 

L’accent n’a été mis ici que sur les 77% de femmes qui semblaient concernées. Si vous n’en faites pas partie, il y a donc deux possibilités : 

  • Soit, vous appartenez au groupe que nous appellerons pour l’occasion, le club des privilégiées. 
  • Soit, vous pensez appartenir au club des privilégiées, mais en réalité, vous essayez simplement de vous convaincre que vous en êtes, consciemment ou inconsciemment, que tout va bien.

Cocher dans la deuxième case n’est pas un fait anormal du tout. Bien au contraire, ceci dénote de l’énorme pression que vous subissez et dont il faudrait impérativement se débarrasser.  

Alors, si vous n’êtes pas certaine d’appartenir au club des privilégiées, arrêtez de faire l’autruche.

Stop à la culpabilité

arrêter de culpabiliser
Photo : Andrea Piacquadio

Personne ne vous en voudra si vous passez votre bien-être en priorité. Il n’y a d’ailleurs que des avantages à cela. Vous êtes moins en proie à la fatigue, au stress et vous laissez plus de place à l’épanouissement. 

Vos enfants ne sont pas prêts pour l’école ? Vous avez oublié de passer au supermarché faire quelques courses ? Il n’y a plus de papier toilette ?

Lorsque ces choses arrivent, pensez-vous, de manière objective, que la panique et les supplications y changeront quelque chose ? Non, évidemment. Nul n’est parfait, vous y compris. 

En toute circonstance, préservez toujours et avant tout votre bien-être. Être à l’aise en toute circonstance revient à ne pas vous en vouloir pour des choses que vous ne pouvez pas contrôler. Car vous n’êtes pas un robot, donc vous ne pouvez pas tout contrôler.

S’exprimer et dialoguer sur sa charge mentale

Comme l’ont démontré les chiffres un peu plus haut, s’il faut attendre des hommes qu’ils s’impliquent de leur propre chef dans la gestion et l’exécution des tâches ménagères, ce n’est pas demain qu’on s’en sortira. 

Alors, communiquez avec lui. Et avec vos enfants également. Pour rallier tout le monde à votre cause, procédez avec la manière douce. Donc pas de menaces, pas d’ultimatums, juste une communication saine. 

Expliquez leur ce qu’est la charge mentale, comment cela se répercute sur vous, vos performances au boulot et votre bien-être à la maison. Expliquez-leur en quoi votre bien-être est capital et en quoi la bonne marche des choses à la maison en dépend. Et demandez-leur de participer. À cet effet, déléguez plus souvent. 

Vive le travail des enfants

responsabiliser les enfants
Photo : pressfoto

C’est le moment de procéder à une réattribution équitable des tâches. Pensez à ce que chacun peut faire pour aider à la maison. 

La délégation la plus facile est celle des enfants, s’habiller seule, ranger sa chambre, débarrasser la table, laver la vaisselle…

Tout le monde doit participer.

Vous êtes sûrement en train de penser que c’est plus facile à dire qu’à faire ? Oui et non. 

OUI, c’est très compliqué d’obliger son ado rebelle à ranger sa chambre ou le petit dernier à s’habiller seule.

Surtout lorsque l’on doit partir à l’école dans 10 minutes.

Pourtant, c’est le meilleur investissement que vous pourrez faire. 

En effet, une fois que votre enfant gagnera en autonomie, vous vous sentirez tellement libre de ne plus être obligé de l’aider dans les moindres de ses gestes.

Et le temps, aussi important soit-il, que vous avez investi pour lui enseigner cette autonomie, il vous le rendra au centuple.

Ensuite, n’oubliez pas que le rôle d’un parent n’est pas de rendre votre enfant heureux, de lui faire plaisir ou pire d’obéir à ses moindres désirs.

Le rôle principal d’un parent est de permettre à son enfant d’être un jour autonome.

Pour atteindre cet objectif, vous devez passer du temps de qualité avec lui et lui faire goûter à sa future vie d’adulte indépendant.

Lorsqu’il fait  la vaisselle, vous gagnez un temps précieux que vous pourrez convertir en temps de qualité avec lui. C’est donc un deal gagnant pour vous, et doublement gagnant pour lui, car il gagne en autonomie et en temps de qualité qu’il partagera avec vous afin de mieux se construire.

Déconstruire les habitudes malsaines

did list pour combattre la charge mentale
Photo : energepic.com

Étant donné que vous êtes habitués à tout faire bien, vous pourriez peut-être envisager de repasser derrière pour reprendre à votre sauce des tâches que vous avez déléguées. 

Perfectionniste ou pas, ce sont là des habitudes à déconstruire rapidement. Oeuvrez plutôt pour des habitudes plus constructives pour votre bien-être

Apprenez à accepter que les autres membres de votre famille puissent faire des erreurs et laissez-les apprendre des conséquences de ces erreurs. 

Votre aide est précieuse, alors valorisez-la en vous contentant de n’intervenir que lorsque c’est vraiment essentiel.

“Ne craignez pas d’atteindre la perfection, vous n’y arriverez jamais.” Salvador Dali.

Moins de “To-do lists”. Plus de “did lists”.

Marre des “To-do lists” à rallonge qui n’en finissent jamais ? Normal, c’est simplement parce que vous entreprenez beaucoup trop de choses à la fois. Conséquence, vous vous retrouvez en fin de journée avec une liste inachevée qui vous plombe le moral. 

Pour y pallier, essayez dorénavant de limiter le nombre de tâches sur votre “to-do list”. La matrice d’Eisenhower est un excellent outil pour vous permettre de hiérarchiser et de sélectionner efficacement les tâches.  

matrice d'Eisenhower

Autre astuce qui fonctionne bien également, faire une “did-list”. Au lieu de rester concentrée sur ce que vous n’avez pas pu faire dans la journée, il est énormément plus gratifiant de tenir la liste de tout ce que vous avez pu accomplir jusqu’au bout dans la journée. Vous serez certainement très étonnée de la taille de cette liste. Vous vous rendez compte, par la même occasion, que même si vous n’avez pas fini l’entièreté de vos travaux, vous avez tout de même avancé au cours de la journée. 

Penser un écosystème pour moins penser.

La charge mentale est liée notamment à un besoin de planification.

Par conséquent, pour la réduire, la solution est très simple. Il suffit de ne plus planifier.

Et si je vous disais que cette mécanique est possible.

Oprah Winfrey , Gina Rinehart, Sheryl Sandberg (Coo de facebook), ses entrepreneurs à succès semblent être des superwomen dotés d’une super motivation. Elles ont une capacité hors norme afin de gérer une charge mentale colossale, liée à la gestion de leurs équipes, de leurs voyages, de leur famille et de la fonction qu’elles doivent assumer.

Pourtant, ses super héroïnes des temps modernes sont sûrement aussi fainéantes que vous et moi.

En fait, elles n’ont qu’un seul super-pouvoir: un écosystème conceptualisé minutieusement pour ne pas avoir à penser en permanence et user inutilement leur motivation.

Conformément à la loi de Pareto, elles identifient et concentrent leur énergie sur les 20% des actions qui génèreront 80% des résultats. 

Elles automatisent tout ce qui peut l’être (Emails, achats récurrents, paiements, maintenances, etc.).

Elles s’entourent de personnes supportives et fuient

  • les personnes envieuses, 
  • les personnes qui n’acceptent pas que l’un des leur réussisse mieux qu’eux, 
  • les personnes qui ont intérêt à les voir stagner ou régresser, 
  • les personnes pessimistes de nature

Inévitablement, votre entourage déteindra sur vous. Entourez-vous de personnes qui vous soutiennent et sur qui vous pouvez compter en cas de besoin.

Votre inconscient, que Freud appelle le maître à la maison, ressent un besoin intense de planification et d’organisation afin de pallier une potentielle crise qui pourrait surgir.

Si vous pouvez vous permettre le luxe de compter sur vos proches pour vous aider à affronter les imprévus, ce besoin de planification disparaîtra sans même que vous vous en rendiez compte, réduisant ainsi votre charge mentale.

Enfin, leurs écosystèmes prennent les décisions à leur place.

Par exemple, lorsque Bérénice, notre personnage fictif, souhaite se mettre au sport, penser chaque jour au moment où elle pourra faire du sport, n’est probablement pas sa meilleure option.

Par contre, si elle programme cette activité tous les lundis et en commun avec ses amis entrepreneurs afin de partager ses succès et ses échecs, Bérénice n’a plus que deux options:

  1. Trouver le courage d’annuler sa session de yoga et donc contacter ses amis et subir leurs déceptions.
  2. Trouver le courage de partager un moment riche d’apprentissage avec ses amis entrepreneurs, tout en faisant du sport.

Vous l’aurez compris, si vous aussi vous souhaitez devenir une wonder woman, armez-vous d’un écosystème favorable pour minimiser votre charge mentale.

Prendre un peu de temps pour soi-même 

prendre du temps pour soi
Photo : cookie_studio

Octroyez-vous des temps de pause. Ménage fait ou pas, prendre le temps de dormir un peu, de se détendre ou de passer du temps en famille, ça peut aider à devenir plus productif et à y voir plus clair. Alors, pour votre bien être, n’hésitez surtout pas à en profiter un peu. 

À partir d’ici, la balle est dans votre camp. Vous avez l’essentiel pour prendre le taureau par les cornes et tenter de le mettre KO. Il n’y a pas de posologie prédéfinie pour ce genre de conseils, c’est à vous d’apprendre à gérer l’accélérateur et le frein, car il s’agit bien de l’une des 8 clés d’une vie magique

Sources 

  1. : La gestion ordinaire de la vie en deux, Sociologie du travail, Monique Haicault 
  2. : Les Français et la charge mentale par Ipsos
  3. : NETTOYER, BALAYER, ASTIQUER… LA PERSISTANCE DES INÉGALITÉS DE GENRE EN MATIÈRE DE PARTAGE DES TÂCHES MÉNAGÈRES par Ifop